Volume 30 : Chapitre 1, Grande Montagne 41–50

Grande Montagne 41

Les explications de Kiyoshi Jujo permirent aux participants de la réunion des responsables de préfecture de comprendre les raisons qui avaient poussé Shin’ichi à démissionner de la présidence de la Soka Gakkai, mais ils avaient encore bien du mal à l’accepter.

« Le président Yamamoto ne démissionnera pas seulement de sa fonction de président de la Soka Gakkai, mais aussi de celle de représentant principal de l’ensemble des organisations laïques de la Nichiren Shoshu. Il prend cette dernière mesure pour assumer l’entière responsabilité des problèmes récents qui sont apparus entre la Soka Gakkai et le clergé.

« Inévitablement, notre première réaction est la tristesse, mais il est important pour nous de comprendre sincèrement la décision et les intentions du président Yamamoto et de prendre un brillant départ vers l’avenir.

« Même si cela peut paraître une épreuve en raison de nos capacités limitées, nous devrions nous unir et bâtir une Soka Gakkai à laquelle le président Yamamoto puisse accorder toute sa confiance. Voilà la direction que nous devons prendre en tant que disciples.

« Je vais maintenant vous présenter le déroulement des événements : cet après-midi, le conseil exécutif de la Soka Gakkai se réunira pour accepter la démission de notre président, et il y aura ensuite une conférence de presse pour en faire l’annonce officielle. »

Jujo s’arrêta de parler. Il n’y eut pas d’applaudissements. De nombreuses responsables du département des femmes avaient les yeux rouges et gonflés de larmes. Parmi les hommes, certains regardaient le plafond d’un air absent, tandis que les responsables de la jeunesse, les yeux emplis de colère, se pinçaient les lèvres pour contrôler leur émotion.

C’est alors que Shin’ichi fit son entrée dans la salle.

« Sensei ! » s’écrièrent en chœur les membres.

Arrivé par une porte latérale, Shin’ichi s’avança jusqu’au centre de l’estrade et dit, d’une voix emplie d’énergie : « Quel événement ! Voilà qui rend les choses intéressantes, n’est-ce pas ? La lutte pour kosen rufu est toujours pleine de troubles. »

Après avoir récité trois fois Nam-myoho-renge-kyo avec les responsables réunis, Shin’ichi s’assit sur une chaise derrière une table et regarda les visages. Tout le monde attendait avec impatience qu’il prenne la parole.

« Tout ce que vous venez d’entendre est parfaitement exact. Mais vous n’avez aucune raison de vous inquiéter. Je continuerai de lutter de toutes mes forces, au mieux de mes capacités. La lutte pour kosen rufu n’a pas de fin. Après tout, je suis un disciple de Josei Toda ! »

C’était un lion qui se dressait sans crainte, face aux vents furieux. La fierté des maîtres et des disciples du mouvement Soka brille avec éclat et s’exprime sous la forme du courage.

Grande Montagne 42

« Il est important de nous unir désormais autour du nouveau président et d’œuvrer ensemble à bâtir une nouvelle Soka Gakkai, dit Shin’ichi d’une voix forte. Je continuerai de veiller sur vous. Il n’y a aucune raison d’être triste. C’est un nouveau et magnifique voyage qui commence aujourd’hui. »

Quelqu’un s’écria : « Je vous en prie, Sensei, ne démissionnez pas ! »

Certains membres sanglotaient et, peu à peu, le son s’amplifia. D’autres se mirent à pleurer sans retenue.

Un responsable du département des hommes se leva. « Qu’allez-vous devenir maintenant ? »

« En ce qui me concerne, rien ne changera. Je resterai tel que je suis. Quelle que soit ma fonction, je continuerai tout simplement de faire des efforts en me consacrant à ma mission de bodhisattva surgi de la Terre. Je suis un disciple de Josei Toda, qui a consacré sa vie à kosen rufu. »

Comme s’il cherchait une confirmation, un responsable de la jeunesse demanda : « Vous resterez donc notre maître, même après votre démission, n’est-ce pas ? »

« Ne vous ai-je pas enseigné tous les principes fondamentaux ? En tant que jeunes, vous ne devez pas vous laisser submerger par l’émotion en raison d’un événement comme celui-là. Je veux que vous déclariez : “Nous sommes maintenant entrés dans une nouvelle ère. Faisons de notre mieux !” et que vous preniez l’initiative d’encourager les membres. Soyez sans crainte ! »

Les unes après les autres, les mains se levèrent pour poser des questions.

« Pourrez-vous assister aux réunions des responsables de préfecture ? » demanda un homme.

« Vous devez continuer désormais sous la direction de votre nouveau président. Vous ne pouvez pas dépendre éternellement de moi. Jusqu’à présent, j’ai consacré toute mon énergie à vous guider et à contribuer à votre développement pour que vous deveniez des responsables de valeur. J’ai enseigné et partagé avec vous tout ce dont vous avez besoin. Quelle que soit l’école dans laquelle on se trouve, les études ont toujours une fin. »

« Pourrez-vous venir dans nos préfectures nous offrir des encouragements ? Je vous en prie, venez dans notre préfecture », dit une femme, les larmes aux yeux.

« Merci. Mais je vous rappelle que je me suis déjà rendu à maintes reprises dans toutes les préfectures du Japon. Désormais, j’aimerais consacrer plus de temps à me rendre dans des pays du monde entier pour la paix. Il y a des endroits qui sont au bord de la guerre. Je veux faire tout mon possible afin d’éviter tout conflit. »

Dans les paroles de Shin’ichi brillait son esprit de lutter pour la paix.

Grande Montagne 43

Un homme se leva au centre de la salle. C’était un responsable de préfecture de la région de Tohoku qui n’avait pas encore 40 ans. Il se mit à crier, comme pour exprimer sa fureur à l’égard des autres participants : « Vous parlez comme si la démission de Sensei était déjà un fait accompli. Pour moi, ce n’est pas possible. Je ne peux pas l’admettre ! »

Il y eut un grand silence dans la salle.

Shin’ichi reprit alors la parole : « Vous pouvez considérer ma démission comme un fait avéré. C’est la décision que j’ai prise. Si cela doit être la source d’un courant plein de fraîcheur et une protection pour les membres, je pense que c’est une bonne chose.

« Plutôt que de colère, la Soka Gakkai a besoin de progresser dans l’unité, avec calme et harmonie. Si vous partagez mon esprit, alors le moment est venu d’encourager chaleureusement les membres et d’élever l’esprit de tous. Vous devez tous vous dresser et prendre la direction en tant que personnes qui partagent le même engagement que moi !

« Lorsque le président fondateur de la Soka Gakkai, Tsunesaburo Makiguchi, est mort en prison, son disciple, Josei Toda, s’est dressé seul pour perpétuer la vision de son maître. Sous sa direction, la Soka Gakkai a connu un immense développement, parvenant à un total de 750 000 foyers pratiquants. Quand le président Toda est mort, j’ai fait le vœu de mettre en place de solides fondations pour kosen rufu au Japon et de créer, quoi qu’il arrive, un mouvement pour le kosen rufu mondial. Aujourd’hui, le bouddhisme de Nichiren s’est en effet diffusé sur toute la planète.

« En toute chose, il y a des étapes et une fin. Quand une étape s’achève, une autre commence. Il faut une ferme détermination pour prendre un nouveau départ. La flamme éclatante de l’engagement, un vœu passionné, voilà ce dont vous avez besoin. Dressez-vous ! Dressez-vous toutes et tous en tant que courageux successeurs ! D’accord ? C’est ce que je vous demande. Je compte sur vous. »

Lorsque la réunion des responsables de préfecture parvint à son terme, bien des participants étaient encore en larmes.

Quoi qu’il arrive, tant que l’esprit solennel du maître et du disciple battra dans le cœur des membres, une nouvelle voie s’ouvrira et kosen rufu poursuivra son développement.

Cet après-midi-là, se tint une réunion du Conseil exécutif de la Soka Gakkai. La demande de démission de Shin’ichi y fut présentée et acceptée. Les nouveaux Règles et Règlements de la Soka Gakkai furent eux aussi étudiés et adoptés. Sur ces fondements, Kiyoshi Jujo devint le nouveau président de la Soka Gakkai et Kazumasa Morikawa, le nouveau directeur général. Shin’ichi fut nommé président honoraire.

Pour Shin’ichi, cela marquait le début d’un nouveau chapitre dans la grande histoire de sa vie.

Grande Montagne 44

Les Règles et Règlements de la Soka Gakkai, adoptés le 24 avril par le Conseil exécutif, établissaient les règles fondamentales régissant les activités religieuses de l’organisation ainsi que sa direction administrative, son mode de fonctionnement et les orientations et encouragements donnés à ses membres. Ils étaient donc essentiels pour définir les activités de la Soka Gakkai en tant qu’organisation religieuse.

Auparavant, elle s’appuyait sur le Règlement de la Soka Gakkai existant qui établissait ses règles en tant qu’association religieuse, ainsi que plusieurs ensembles de directives et règles relatives à des domaines spécifiques de son fonctionnement. Ces dernières comprenaient le Règlement intérieur du Conseil exécutif et le Règlement intérieur du Comité du personnel, ainsi que diverses dispositions et conventions antérieures qui s’étaient développées au cours des ans depuis la mise en place de l’organisation.

Ces nombreuses règles, régulations et dispositions antérieures qui empiétaient les unes sur les autres furent ordonnées et transcrites pour former les nouveaux Règles et Règlements de la Soka Gakkai. Il s’agissait de mieux répondre au développement considérable et multidimensionnel de l’organisation et de préparer la progression dans la nouvelle ère suivant l’achèvement des Sept Cloches.

Les Règles et Règlements comportaient quinze articles. Il y était dit que le président et le directeur général devaient être choisis dans les rangs du Conseil exécutif et que le mandat de chacun d’eux serait de cinq ans1.

Lors de cette même assemblée du Conseil exécutif, la demande de démission du vice-président Genji Samejima fut elle aussi présentée et acceptée.

Aux environs de midi, une fois achevée la réunion des responsables de préfecture, l’annonce de la démission imminente de Shin’ichi Yamamoto de la présidence de la Soka Gakkai fut retransmise à la radio et à la télévision. On annonça aussi qu’il démissionnerait également de sa fonction de représentant principal de l’ensemble des organisations laïques de la Nichiren Shoshu et que Kiyoshi Jujo serait probablement le nouveau président de la Soka Gakkai, alors que le président Yamamoto deviendrait président honoraire. La nouvelle de tous ces changements s’était déjà propagée avant même leur annonce officielle.


Ce fut un choc profond pour les membres de tout le Japon. Certains rejetèrent tout en bloc en se disant : « Je ne peux pas y croire ! Cette information ne peut pas être exacte ! », tandis que d’autres s’interrogeaient. D’autres encore, indignés, ne comprenaient pas pourquoi le président Yamamoto avait dû démissionner.

Le siège de la Soka Gakkai fut assailli de coups de téléphone, souvent furieux, provenant de membres qui voulaient savoir ce qui se passait. Certains pleuraient au bout du fil. Les standardistes, débordés, s’efforçaient de répondre.

Un bateau traversant l’océan est parfois assailli par des vagues furieuses. Ce n’est qu’en surmontant les rudes tempêtes et les mers déchaînées que l’on peut atteindre de nouveaux rivages. Shin’ichi se tenait à l’avant du bateau, en bravant la tempête.

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Après la réunion des responsables de préfecture, Shin’ichi Yamamoto demeura au centre culturel de Shinjuku. Il parla et encouragea les responsables du département des femmes, qui avaient été les plus choquées par sa démission imminente. Il y eut par la suite plusieurs réunions avec des invités, ce qui prit un temps considérable.

Ce soir-là, la Soka Gakkai avait prévu d’organiser une conférence de presse, mais les gros titres des journaux du soir, en vente depuis le milieu de l’après-midi, proclamaient déjà que Shin’ichi s’apprêtait à démissionner et que Kiyoshi Jujo allait devenir le nouveau président. Les journaux évoquaient aussi l’article de Shin’ichi intitulé « Réflexions sur l’achèvement des Sept Cloches », paru ce jour-là dans le journal Seikyo, en affirmant que c’était une façon d’annoncer son départ.

Très tôt, dans la soirée, des journalistes de presse écrite, de télévision et de radio se présentèrent au siège du journal Seikyo, où devait se tenir la conférence de presse, si bien qu’à 18 heures les reporters, déjà présents par dizaines, se pressaient dans la salle.

Quand, à 19 heures, le président nouvellement nommé Kiyoshi Jujo et le directeur général Kazumasa Morikawa firent leur apparition avec les vice-présidents Eisuke Akizuki, Hisaya Yamamichi et d’autres, on entendit le déclic des appareils photo et le crépitement des flashs.

Shin’ichi avait décidé de différer son arrivée de trente minutes, par respect envers le nouveau président.

Lors de la conférence de presse, Akizuki annonça que, un peu plus tôt ce jour-là, le Conseil exécutif de la Soka Gakkai avait accepté la demande de démission du président Yamamoto et l’avait nommé président honoraire. Il dit aussi que l’ancien directeur général Jujo avait été nommé président et le vice-président Morikawa, directeur général.

Il expliqua que Shin’ichi souhaitait démissionner afin de consacrer toute son énergie aux activités pour la paix, la culture et l’éducation, après être parvenu au terme d’une étape majeure pour la Soka Gakkai, la fin des Sept Cloches, avec la mise en place d’une nouvelle structure, de nouveaux modes de fonctionnement et d’une nouvelle équipe de responsables de valeur.

De nombreux journalistes avaient entendu dire que Shin’ichi allait donner sa démission, mais ils ne pensaient pas que cela se produirait si rapidement.

La Soka Gakkai était parvenue à un développement sans précédent parce qu’elle s’était toujours tournée vers l’avenir et elle avait su prendre des mesures rapides et proactives pour se développer sans cesse.

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Lors de la conférence de presse, Kiyoshi Jujo, visiblement tendu, exprima ses aspirations en tant que nouveau président de la Soka Gakkai : « J’ai été nommé successeur du président Yamamoto, dans le cadre du nouveau système d’administration et de direction mis en place au sein de la Soka Gakkai. Le président Yamamoto nous a déjà donné à nous, responsables exécutifs, suffisamment d’instructions pour que nous puissions former une équipe qui œuvre ensemble à diriger l’organisation. Les orientations fondamentales de la Soka Gakkai demeureront inchangées. Prendre la fonction de président est une grande responsabilité, mais, en renouvelant ma détermination, je vais faire de mon mieux pour m’acquitter de ma tâche.

« La Soka Gakkai va désormais avancer vers le XXIe siècle et nous allons mettre en place une série de quatre étapes de cinq ans pour marquer notre progression. Dans la première période de cinq ans, nous allons nous concentrer tout particulièrement sur le développement de personnes de valeur. Nous chercherons aussi à développer la Soka Gakkai pour en faire une force stable pour la paix dans la société, afin qu’il n’y ait plus jamais de guerre. »

Shin’ichi fit alors son entrée.

Souriant aux journalistes, il les remercia de leur venue et adressa un petit signe de tête à l’attention de Jujo avant de s’asseoir près de lui.

Un journaliste demanda aussitôt à Shin’ichi : « Que ressentez-vous en cet instant précis ? Et pourriez-vous, s’il vous plaît, nous indiquer les raisons de votre démission ? »

« Je me sens soulagé, répondit Shin’ichi, comme si je venais de déposer un lourd fardeau. Mais j’ai aussi le sentiment que je vais devoir en soulever un nouveau car je veillerai désormais sur le développement de la Soka Gakkai, qui va poursuivre sa marche en avant sous la direction de son nouveau président. Je crains que cela ne me laisse pas beaucoup de temps pour me reposer et me détendre. »

Les journalistes rirent. L’atmosphère quelque peu tendue de la conférence de presse s’en trouva alors transformée et l’on vit aussi paraître un sourire sur le visage de Jujo. Shin’ichi voulait que le nouveau président entre en fonction dans une atmosphère positive et joyeuse.

L’humour dissipe la morosité.

« Quant à la raison de ma démission, poursuivit Shin’ichi, il me semble qu’elle a déjà été expliquée : je considère que diriger seul une organisation pendant près de vingt ans, comme cela a été mon cas, c’est vraiment trop long. Depuis quelque temps déjà, j’envisage de laisser la place à des successeurs, avec le souhait qu’il s’ensuive de nouvelles réalisations, pleines de dynamisme et de créativité. Je ressens aussi une certaine fatigue. Mais je n’ai encore que 51 ans et, à cet âge, je peux encore veiller et soutenir tout le monde. »

La vie est une lutte constante.

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En réponse aux questions des journalistes, Shin’ichi fit part de ses projets pour l’avenir : « La Soka Gakkai, dont l’objet est de réaliser la paix mondiale, se lancera dans un registre toujours plus large d’activités pour la paix, l’éducation et la culture, fondées sur le bouddhisme. J’aimerais consacrer mon temps à faire des efforts dans ce sens. »

Les journalistes continuèrent à poser des questions, notamment celle-ci : « La relation entre la Soka Gakkai et le parti Komei va-t-elle être modifiée du fait de ce changement de présidence ? »

Ce qui paraissait les intéresser le plus, c’était l’engagement politique de la Soka Gakkai.

Shin’ichi répondit en souriant : « C’est une question que vous devriez poser au nouveau président. Mais je suppose que, dans ce domaine, la Soka Gakkai va conserver la même orientation, n’est-ce pas ? » dit-il en adressant un regard interrogateur à Jujo.

Ce dernier acquiesça vivement.

« Apparemment, il n’y aura pas de changement », confirma Shin’ichi.

Une nouvelle fois, les journalistes éclatèrent de rire.

« En d’autres termes, poursuivit Shin’ichi, comme c’était déjà le cas jusqu’à présent, la Soka Gakkai restera une organisation qui soutient le parti Komei. Mon souhait est que le parti Komei poursuive son développement et soit reconnu comme le parti qui apporte le plus grand soutien au peuple japonais. »

Shin’ichi apportait une réponse franche et directe à chaque question.

La conférence de presse s’acheva peu avant 20 heures.

Les jeunes femmes qui se trouvaient au comptoir de réception du journal Seikyo regardèrent Shin’ichi d’un air inquiet.

« Tout va bien, leur dit-il en souriant. Cela ne change rien pour moi. »

Puis il se rendit dans une pièce voisine pour un échange avec les responsables de la jeunesse.

Shin’ichi s’exprima sur le ton de l’urgence, comme s’il mettait tout son être dans ses paroles : « Quelle que soit la situation à laquelle je suis confronté, tant que les jeunes lutteront avec ferveur, un avenir brillant s’étendra devant nous. Le véritable test, pour les disciples, ne consiste pas à lutter en recevant chaque jour des encouragements et des orientations de leur maître. Cela correspond à la période de formation. Le véritable test, pour les disciples, apparaît quand leur maître ne dirige plus directement lui-même. Mais, quand le maître se met un peu en retrait, certains disciples en profitent pour agir à leur guise et oublient l’esprit de la Soka Gakkai. C’est ce qui s’est produit lorsque M. Toda a démissionné de sa fonction de directeur général. Vous ne devez pas vous comporter ainsi. Dressez-vous résolument comme je l’ai fait moi-même ! Chacune et chacun de vous doit devenir un “Shin’ichi” ! »

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Il était près de 22 heures lorsque Shin’ichi quitta le journal Seikyo pour rentrer chez lui. Le ciel était couvert de nuages, qui dissimulaient la Lune et les étoiles.

Un chapitre de l’histoire de sa vie venait de s’achever. En y réfléchissant, il se sentit submergé par une profonde émotion.

Ce qui venait de se produire relevait de sa seule décision. Elle était motivée par son souci de préserver l’avenir de kosen rufu et de la Soka Gakkai, ainsi que d’assurer l’harmonie entre les moines et les laïcs, et le bien-être de ses compagnons de pratique qui lui étaient si chers.

Il se dit : « La Soka Gakkai subira toujours l’assaut des mers déchaînées et devra se frayer un chemin parmi les flots. Prendre la pleine responsabilité des divers problèmes qui se posent et démissionner comme je l’ai fait permettront peut-être pendant un temps de calmer l’agitation, mais le vrai problème demeure l’oppression et le harcèlement du clergé, qui se sont déjà produits dans le passé et qui risquent de se reproduire dans l’avenir. Ce sera le plus grand sujet de préoccupation pour la Soka Gakkai, dans sa progression vers kosen rufu.

« Les intrigues de moines cherchant à prendre le contrôle de la Soka Gakkai et les manœuvres en coulisses d’individus qui ont renoncé à leur foi et se sont retournés contre notre organisation sont l’œuvre du roi-démon du sixième ciel et la manifestation des “démons maléfiques qui prennent possession des autres” (cf. SdL-XIII, 190) pour détruire le mouvement de kosen rufu. S’il n’y a pas d’individus courageux capables de percevoir cela avec les yeux de la foi et prêts à lutter avec un esprit passionné afin de s’assurer que nul n’inflige de souffrances à nos membres, il sera impossible de protéger la Soka Gakkai, et le chemin de kosen rufu sera totalement bloqué. »

Shin’ichi se préoccupait beaucoup de l’avenir.

Son épouse, Mineko, l’attendait en souriant sur le seuil de leur maison. Lorsqu’il entra et s’assit, elle lui servit une tasse de thé.

« Je ne suis plus président », lui dit Shin’ichi.

Elle sourit en hochant la tête. « Tu as tant travaillé durant toutes ces années. Je suis vraiment contente que tu sois encore en bonne santé. Maintenant, tu vas pouvoir rencontrer beaucoup plus de membres. Tu pourras leur rendre visite, partout dans le monde. Tu es libre. Tu peux désormais te lancer dans ta véritable tâche. »

Shin’ichi eut l’impression qu’un rayon de soleil venait illuminer son cœur.

Durant les dix-neuf années écoulées depuis le jour de son accession à la présidence, qualifié par son épouse de « jour des funérailles de la famille Yamamoto », elle l’avait soutenu avec ferveur et avait œuvré à ses côtés. Elle le savait maintenant déterminé à se lancer dans des voyages pour la cause de la paix, dans le dessein de réaliser le kosen rufu mondial. Empli d’une profonde reconnaissance, Shin’ichi se rendit compte de nouveau combien il était merveilleux d’avoir à ses côtés une compagne qui partage ses combats.

Grande Montagne 49

Tard dans cette nuit du 24 avril, Shin’ichi ouvrit son journal personnel. Lorsqu’il repensait aux événements qui avaient eu lieu ce jour-là, il se sentait envahi par un flot d’émotions.

« Ce jour qui aurait dû marquer notre départ plein d’espoir vers le XXIe siècle a été bien trop sombre, pensa-t-il. Les membres qui assistaient à la réunion des responsables de préfecture semblaient avoir le cœur lourd… »

Il saisit son stylo et entreprit de transcrire pour la prospérité le récit de cette journée.

Puis, après avoir accompli cette tâche, il retrouva le fil de ses pensées : « Voilà maintenant que s’ouvre le deuxième chapitre de l’histoire de ma vie ! C’est le commencement d’une grande épopée qui sera jalonnée de formidables défis et de victoires éclatantes ! »

Il fit alors ce serment : « Je ne crains pas l’adversité ! Je suis un lion. Je suis un disciple direct du grand dirigeant de kosen rufu, Josei Toda. Je formerai de nouveaux jeunes et plus que jamais, avec une détermination renouvelée, j’œuvrerai à bâtir une Soka Gakkai indestructible ! »

Shin’ichi sentit jaillir des profondeurs de son être la passion de lutter. Des paroles qu’il aimait depuis sa jeunesse firent irruption dans son esprit : « Plus les vagues rencontrent de résistance, plus elles se renforcent. »

Ce soir-là, des réunions furent mises en place très rapidement dans tout le pays pour annoncer la démission de Shin’ichi et la nomination des nouveaux responsables.

Lors d’une réunion au Kansai, un responsable récita un poème que Shin’ichi avait dédié à Josei Toda quand ce dernier avait démissionné de sa fonction de directeur général de la Soka Gakkai : « En m’appuyant toujours/sur un lien ancien/et mystique/même si les autres changent/je ne changerai pas. »

Le responsable déclara alors avec force : « Comme le dit ce poème, même si le président Yamamoto a démissionné, ici, au Kansai, il demeurera à jamais notre maître. »

Tous les participants levèrent alors le poing et poussèrent un même cri pour manifester leur solidarité.

Ce soir-là, les chaînes de radio et de télévision évoquèrent la conférence de presse où avait été annoncée la démission de Shin’ichi.

Pour les membres de la Soka Gakkai, ce fut un immense choc.

Mais beaucoup d’entre eux se dirent : « Si le président Yamamoto a décidé de démissionner, cet acte doit avoir une grande et profonde signification. Voici précisément le moment, pour les véritables disciples, de se consacrer de tout cœur à kosen rufu afin que le président Yamamoto puisse avoir l’esprit tout à fait tranquille. »

Ainsi, ils demeurèrent fermement unis à leur maître.

Grande Montagne 50

Le lendemain matin, 25 avril, après les événements historiques de la veille, la première page du journal Seikyo affichait ce grand titre : « L’achèvement des Sept Cloches et la nomination de nouveaux responsables. » L’article annonçait que la Soka Gakkai prenait un départ plein de fraîcheur avec une nouvelle direction, Kiyoshi Jujo devenant le nouveau président et Kazumasa Morikawa, le nouveau directeur général. Il était dit aussi que Shin’ichi Yamamoto, qui avait quitté la présidence, était maintenant nommé président honoraire, et l’article ajoutait qu’il avait également démissionné de sa fonction de représentant principal de l’ensemble des organisations laïques de la Nichiren Shoshu.

On trouvait aussi en première page un message de Shin’ichi intitulé « Aux membres de tout le Japon ». Il y exposait les trois raisons principales de sa décision, déjà transmises la veille par Jujo, lors de la réunion des responsables de préfecture. Puis, tournant son regard vers les années 1980 qui s’approchaient, il ajoutait : « J’espère que vous soutiendrez le nouveau président et ferez tout votre possible pour favoriser le développement de la Soka Gakkai, afin qu’elle devienne une organisation stable et digne de confiance dans la société et dans le monde. »

Nombreux furent les membres qui lurent et relurent à maintes reprises le message de Shin’ichi. Ils comprenaient désormais comment il en était venu à démissionner mais, n’ayant appris la nouvelle que la veille, ils étaient encore en état de choc et de confusion.

À partir de 13 h 30, cet après-midi-là, se tint la réunion générale des responsables de la Soka Gakkai d’avril, commémorant la fin des Sept Cloches, dans le Hall de kosen rufu du Centre culturel de la Soka Gakkai, situé dans le quartier de Shinanomachi, à Tokyo. Normalement, tous les participants auraient dû déborder d’enthousiasme, mais, ce jour-là, tous avaient un air grave. Ils se demandaient ce qui allait advenir du président Yamamoto et de la Soka Gakkai, et l’inquiétude et l’anxiété leur ôtaient toute envie de sourire.

Lorsque les responsables pénétrèrent dans la salle, ils sentirent que l’atmosphère avait en un sens changé. Sur le côté gauche, à l’avant, la table devant laquelle Shin’ichi faisait habituellement son discours et la chaise sur laquelle il s’asseyait n’étaient pas là. Cela contribua à diffuser dans l’esprit de tous un sentiment de tristesse.

C’est alors que Shin’ichi fit son entrée. Des cris de joie résonnèrent dans la salle.

« Lançons un ban ! dit Shin’ichi, avec un sourire plein d’aplomb. Ce jour marque un départ plein de fraîcheur pour la Soka Gakkai. La Soka Gakkai avance toujours sans aucune crainte. N’oubliez pas que les lions sont toujours des lions ! »

Sa voix puissante insuffla du courage aux membres.

La combativité d’une seule personne peut éveiller l’esprit de lutter dans le cœur de tous. Comme l’écrit Nichiren : « Quand le roi lion […] rugit, les cent lionceaux s’enhardissent […]. » (Écrits, 959)

On entendit alors résonner dans toute la salle les voix éclatantes et les acclamations des membres.

  • *1Les Règles et Règlements de la Soka Gakkai ont depuis fait l’objet de plusieurs révisions.